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Sur les mains '' ''
19 mai 2008

Un souvenir qui passe

C’était en Corse, en juillet 2002, j’étais en vacances avec Corentin, mon frère et mes parents. Nous étions en voiture, sur la route depuis un moment déjà. Il faisait très chaud mais nous avions l’habitude, dans notre vieille voiture, plus vieille que moi. J’écoutais de la musique avec le casque de mon frère, énorme et de très bonne qualité, donc je n’entendais presque rien de ce qui se disait, et je ne m’en souciais pas. Mais soudain je sentis de l’agitation, ma mère, qui était au volant, se retournait vers mon père en lui parlant avec une expression d’inquiétude sur le visage. Sans ôter le casque de musique de mes oreilles, j’éteins ma musique pour écouter et comprendre ce qu’il se passait. Mon père disait qu’il avait très chaud, et ma mère lui demandait s’il voulait qu’on s’arrête un moment, mais il refusait, assurant que ce n’était pas la peine. Il semblait très fatigué et sa voix tremblait. Ma mère se concentra sur la route à nouveau. Mon père s’agrippa à la poignée au dessus de la vitre. Il nous dit que sa tête tournait, qu’il était fatigué et que l’on roulait trop vite. Il blêmissait de seconde en seconde et ma mère, affolée se gara sur le bas côté de la route. Mon frère qui occupait la place juste derrière mon père se détacha et s’avança sur son siège pour se rapprocher de lui. Je restai immobile, les yeux rivés sur mon père qui se comportait si étrangement. J’enlevai le casque de mes oreilles, je voulais tout comprendre. Mon père continua à se plaindre de maux de tête et de fatigue lorsque brusquement, ses yeux se révulsèrent et son corps fut secoué de spasmes. Je n’avais jamais vu cela auparavant, j’avais peur, très peur, de plus que mon père était cardiaque. Nous étions à vingt kilomètres du moindre petit village et le corps de mon père ne cessait pas de remuer, hors de tout contrôle. J’avais envie de crier, à la vue de ses pupilles noires qui se retournaient pour nous laisser voir que du blanc veiné de rouge. Mon frère fouilla sa valise entière pour trouver son téléphone et appeler les secours, mais en vain. Mon père se figea soudain, comme pétrifié, crispé et immobile pourtant, comme une statue de pierre. Je n’avais toujours pas bougé, trop bouleversée pour agir, je restai là, inutile et apeurée. Mon frère et ma mère, chacun à un côté de mon père tentaient de le ranimer. Ma mère criait son prénom et Corentin, paniqué, lui donnait de petites gifles. Mais mon père restait insensible, inerte. Alors les gifles s’intensifièrent petit à petit, sans pour autant que mon père ne se réveille. Alors j’ai pensé qu’il était mort, que c’était fini, que je n’avais plus de père, et, étrangement, la première chose à laquelle j’ai songé alors fut qu’il aurait fallu informer ma sœur qui n’était pas avec nous, et cette pensée me terrifia, mais je restai ainsi, en spectatrice qui sait pertinemment que ce n’est qu’une fiction. Corentin, désespéré par ses efforts inefficaces se remit en quête d’un téléphone et le trouva, enfin. Il appela les pompiers tandis que ma mère secouait mon père sans résultat. Il les informa que mon père venait de faire un malaise et qu’il était inconscient depuis presque cinq minutes. Je vis ma mère courir vers le coffre de la voiture et ramener un objet rouge vif. C’était une gourde, elle l’aspergea d’eau, lui versant la moitié de la bouteille sur le visage. Mon père s’étouffa et recracha un bonbon qu’il avait avalé avant son malaise. Nous étions rassurés. Mon frère raccrocha, soulagé, et ma mère demanda à mon père tout juste éveillé, comment il allait. La regardant d’un air ahuri, il lui dit ces mots, qui restèrent gravés dans ma mémoire : «  Vous êtes qui, vous ? ». Cette phrase fut terrible.

M.

 

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