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Sur les mains '' ''
28 janvier 2010

Ecrivez une courte page sans figures de style

C’était un matin. Il s’en souvient toujours aussi bien. Il y a vingt-sept ans pourtant. Il était allongé par terre, l’herbe humide lui chatouillait les reins. Il faisait doux, il était seul. Une voix l’appela au loin, suppliante. Mais il ne bougea pas, il était bien. La lumière avait cette pâle couleur du début de la journée, presque éblouissante, qui nous fait fermer les yeux. A travers la fente de ses paupières entrouvertes il regardait défiler les nuages qui, poussés par le vent, prenaient des formes de continents et de sourires en coin. La voix s’intensifiait, persistante, implorait de l’aide. Il ferma ses yeux, écouta la nature. Une légère brise faisait remuer les branches des sapins dans un bruissement presque imperceptible, les chants des oiseaux les plus matinaux résonnaient dans la vallée, mais la voix grinçante couvrait cette harmonie de ses appels continuels. Bientôt ce furent des cris qui retentirent, des cris de détresse. Calmement il ouvrit les yeux, s’habitua à la lumière, se leva. On criait son prénom, on appelait au secours. Il se baissa pour cueillir un bouquet de pâquerettes, puis il regarda avec attention les fleurs dans sa grande main. Certainement, elles lui plairont ! Il en cueillit quelques autres et respira leur parfum avant de se relever. Le chant plaintif de la voix était percé d’une douleur aiguë, profonde. Enfin il se décida à la rejoindre. Il souriait d’aise, il riait même. Les hurlements se rapprochaient, se faisaient de plus en plus forts, de plus en plus intenses. Lorsqu’il l’aperçut, à genoux dans les cendres qui tapissaient le sol, il eut pitié. Elle traînait sa robe blanche dans la poussière du sol terreux, et le fard de ses paupières, en dégoulinant, dévisageaient son portrait d’ange. Son voile de vierge était recouvert de boue. Elle s’éreintait, se roulait de désespoir dans les cendres de son jeune époux. Elle ne l’entendit pas arriver, elle saisissait des poignées de poussière et se les fourrait dans la bouche. Le jour de son mariage, quelle ironie tragique. Ce n’est qu’au bout d’un moment qu’elle sentit une main chaude posée sur son épaule nue, réconfortante. Il la releva, lui prit le visage entre ses mains. Elle n’était pas seule, il serait toujours là pour elle. Alors, exténuée, elle s’évanouit d’épuisement dans les bras qui se présentaient à elle. Il lui décora les cheveux du bouquet de pâquerettes qu’il avait composé, et, avant de prendre soin d’elle, il admira les dernières flammes qui achevaient les ruines de la chapelle. Quel spectacle ! Après tant d’efforts et de préparatifs, il avait réussi son chef-d’œuvre, elle serait à lui un jour ou l’autre. 

M.

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