FEU
Oh
j'aurais eu tellement besoin de te parler. J'ai eu tellement peur, Elie,
tellement peur. Tu imagines, et si j'avais brulée? Entièrement, je serais
morte? Ou alors marquée à vie, à vie, à vie, sur le visage, sur le ventre, sur
les seins, sur les bras. Peut-être pas les jambes. Toute ma vie j'aurais du
supporter des regards sur ma peau, des regards plaintifs ou même dégoûtés, des
regards de pitié. Plus personne n'aurait osé me toucher, je n'aurais plus
jamais senti tes mains chaudes sur mon corps parce que tu ne l'aurais plus
caressé, ou même si tu y étais résigné ma peau abîmée n'aurait rien ressenti.
Peut-être même que mes yeux auraient été touchés et que je serais devenue
aveugle, ne plus rien voir. Vie abolie. Vie foutue. Projets envolés. Voyager
sans les yeux? Lire sans voir? Vie abandonnée. En une seconde. En une seconde
tout aurait pu changer, bouleverser, tout , tout. Je n'aurais plus jamais pu
espérer être belle un jour, je n'aurais plus jamais pu espérer briller, avoir
une minute à moi où des yeux me regardent et me trouvent jolie. Fini. J'aurais
du tout expliquer à ceux qui me connaissaient avant, la peau encore lisse, et
accepter leurs larmes, leur surprise à me voir ainsi. Finis les matins à se
prélasser nue, finis. J'aurais juste eu envie de rentrer sous terre, de
m'enfermer et de rêver que ça ne me soit pas arrivé. J'ai eu peur, voilà tout.
Pour tout ça j'ai eu peur. Pour ma vie, pour la tienne.
Ca fait du bien d'écrire. On évacue. C'est comme pleurer. Comme vomir. On
respire après.
M.