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Sur les mains '' ''
20 mai 2009

I Crudeli di Bosa Marina (6)

 

3.

 C’est Luigi qu’elle accompagna au guet le matin suivant. Il lui racontait ses combats de la veille, avec fierté et enthousiasme. Elle se plaisait à l’écouter, il lui décrivait les moindres détails et si autour d’eux le calme ne s’emparait pas tant de l’atmosphère, elle se serait crue à bord du navire espagnol, en plein combat avec un garde royal. Il tournait et virait dans le petit espace de la tour de guet, piétinant sans cesse les mêmes planches de parquet. Ses récits étaient accompagnés de gestes démonstratifs et de mimiques expressives que ses yeux farceurs complétaient.

« - Qui est le marin qui se bat à la hache ? Tu sais, brun et qui ne parle jamais ? »

Luigi s’arrêta et ferma les yeux, comme pour se remémorer son visage.

« - Ah, c’est Zac. Il était déjà là quand je suis arrivé. Mais je ne connais rien de lui, pas bavard ce type-là. Mais c’est surtout depuis quelques jours qu’il est de plus en plus étrange. Y’en a qui l’aiment bien, je vois pas ce qu’ils lui trouvent, moi. M’enfin… »

Puis il se replongea dans ses souvenirs.

« - Tu sais ce que j’aimerais, aussi ? » lui demanda-t-il.

Elle l’interrogea de la tête.

« - Te voir combattre. Je ne sais pas pourquoi Le Capitaine t’a interdite de combat, mais j’aimerais bien savoir comment tu te débrouilles. »

« - D’accord. Quand tes heures de garde seront finies je te provoquerai en duel amical sur le pont. Ça te va ? »

Plus tard, lorsqu’ils descendirent sur le pont, ils s’armèrent chacun d’un seul bâton, et à travers des sourires complices ils se défièrent. Ils se tournèrent autour un instant et Luigi engagea la première offensive. Il tenait son bâton par le bout comme une épée, et le pointa vers la jeune fille, qui elle, bloqua son geste en empoignant son bâton des deux mains et s’en servit de bouclier, puis elle répondit à son attaque en se baissant pour frôler le sol et faucher ses pieds, mais Luigi sauta à temps pour l’éviter. Les jeunes gens avaient attiré l’attention des autres marins qui peu à peu se rassemblaient autour du duel pour observer silencieusement la scène. Puis, après une roulade de la jeune fille pour esquiver un coup au niveau de son ventre, les pirates commencèrent à prendre parti, encourageant Luigi par des « Vas-y, tu peux, ce n’est une femmelette ! ». Il se ressaisit alors et dans une pirouette il feinta l’arme de la jeune fille qui ne fouetta que l’air dans un bruit de rafale de vent et les applaudissements des camarades. Cependant, lorsque la jeune guerrière, comme une splendide Athéna, redressa son bâton pour toucher une côte de Luigi entre les points pourtant stratégiques de la défense du Novice, l’équipage ne put retenir un souffle d’admiration, et Ilario lança un « Oui, tu as tes chances ! » plus ou moins volontaire, tandis que Vasco l’accompagna dans ses compliments en regardant Luigi d’un air satisfait. Le raffut des quelques belles actions commentées par le chœur de l’équipage intrigua le Capitaine Basileo qui se mêla à la meute de spectateurs enthousiastes. Il considéra le combat un instant, puis quand le son des bottines de la jeune fille retentit sur le parquet de bois après qu’elle a sauté au-dessus de la canne énergique de Luigi et que les matelots se sont esclaffés d’un mélange de surprise, de jalousie et de respect, Basileo s’avança dans le cercle et tendit sa main vers celle de Luigi, lui demandant implicitement de lui céder sa place. Luigi, étonné et penaud, lui passa le relais en jetant à la jeune fille un regard désolé.

« - Vous êtes tous passés par là. » s’expliqua le Capitaine.

Et en effet, ils étaient tous passés par là. Basileo était un maître de combat, et le duel était sa spécialité, c’est pourquoi il avait lui-même formé tous son équipage, il avait passé des heures entières avec chacun d’eux afin qu’ils atteignent un niveau d’escrime suffisant pour se défendre en toutes circonstances et attaquer comme bon leur semblaient. L’apprentissage de ses matelots était pour Basileo d’une importance majeure et il n’hésitait jamais à donner de son temps et de son énergie. Les Mousses s’entraînaient tous les jours, avec le Capitaine lorsqu’il avait le temps ou avec les autres marins, les Novices constituaient un autre enjeu que Basileo surveillait de près, et même les Matelots continuaient à s’exercer de temps à autre avec le Capitaine. La jeune femme, que la chaleur de midi alourdissait, était pourtant ravie de cette occasion rêvée, et même si elle savait sa défaite certaine, elle ne craignait pas l’humiliation.

Basileo la salua de la tête et s’empara du bâton de Luigi qui se rangeait parmi les témoins au près du Sous-Capitaine qui assistait à la scène, perplexe.

 

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